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10.4.14

Les coulisses de l'Opéra Garnier


Très beau jour pour une parisienne passionnée d'art, archi-curieuse et ancienne danseuse. Aujourd'hui, j'accède avec mon groupe de privilégiées  à l'opéra de Paris Garnier par l'entrée des artistes. Le directeur des Amis de l'Opéra souligne à quel point cette visite est rare : nous profitons de la pause pour accéder aux ateliers, avant de parcourir les coulisses et les sous-sols.


Notre guide, historien plus que conférencier et réel passionné, est seul habilité à nous accompagner. À nous les couloirs, les ascenseurs, les escaliers et bien sûr, la salle de spectacle.

Seule restriction : si nous pouvons tout voir et (presque) tout photographier, les images des ateliers ne peuvent pas être publiées. Je vais donc tout vous raconter. 

Xavier Ronce, chef des ateliers costume pour la danse à l'Opéra Garnier, nous présente les 5 différents espaces avant de nous y accompagner.
Comme en haute couture, il y a l'atelier flou, l'atelier mode (tout ce qui orne la tête sauf les bijoux), l'atelier tailleur, l'atelier maille (pour le strech sur mesure), et l'atelier décoration des costumes (bijoux, teinture, peinture, ...). Passées toutes ces étapes, la tenue est accrochée dans le "central costume", magnifique pièce de stockage lambrissée classée, où elle sera accessoirisée.
À l'opéra de Paris, chaque danseur possède son mannequin Stockman (comme chez Dior) à ses mensurations exactes. Les costumes sont créés ou remis en état, en plusieurs exemplaires, chaque rôle étant attribué à plusieurs membres de la troupe différents. Les matières sont à la fois techniques et luxueuses, donc fragiles. Pour la Dame aux Camélias, la couche supérieure d'un tutu a dû être changée toutes les 1 ou 2 représentations. Pour la Belle au Bois Dormant, ballet présenté dernièrement, 150 costumes ont été refaits ! Il est estimé que les ateliers fabriquent ou reprennent 2500 à 3000 costumes  chaque année. 

Ce matin-là étaient présents Daniel Buren, créateur de décors d'un prochain spectacle avec sa costumière, et Benjamin Millepied pour sa création. La recherche est très pointue pour coller aux demandes précises des décorateurs.
Seule la finalité différencie la création des costumes de l'opéra de la haute couture : il s'agit à Garnier de produire l'effet souhaité pour le spectateur, compte-tenu de la distance, des éclairages, et du mouvement du danseur.
Si les ateliers de couture ressemblent à ceux d'une maison de couture, l'atelier de décoration se situe quelque part entre le pressing et le chimiste. Toute petite, la pièce de stockage des coiffures oscille entre sublime et épouvante : des centaines de diadèmes voisinent la tête du roi souris ou des masques de zèbre. Chaque couronne de fleur est unique, chaque fleur de tissu est assemblée à la main. Un travail de fourmi pour des représentations exceptionnelles.

En coulisses, nous découvrons un monde gigantesque, régit de règles strictes et organisé avec un vocabulaire particulier. La scène, 45m de large sur 27m de profondeur et 18m sous la salle des machines, est entourée d'un côté jardin (gauche de la scène, vue de la salle), d'un côté cour (droite de la scène), du proche (orchestre) et du lointain (fond de la scène).
Originalité conçue par Charles Garnier (choisi parmi 171 projets lors du concours) : le sol de la scène est en pente à 5% afin d'améliorer l'effet de perspective. Astuce qui crée néanmoins une difficulté supplémentaire pour les danseurs. 
Au lointain, se trouve le foyer, magnifique salle très richement décorée, pouvant apparaître en spectacle, l'ouverture du rideau de fond permettant de l'inclure dans le décor. Haute, majestueuse, ornée d'un lustre géant et de portraits de danseuses célèbres des 17e et 18e siècles, elle accueillait ce jour-là une répétition du danseur étoile Benjamin Pech dont nous avons pu brièvement profiter.

Puis, terminé les dorures, direction les dessous de l'opéra. À 6 mètres sous le niveau de la rue, on murmure la présence d'un lac ... Il s'agit en fait d'un gigantesque réservoir d'eau aussi grand que la salle de spectacle !
Pour replacer la construction du bâtiment dans son contexte, le concours d'architecture pour la création de l'opéra de Paris est lancé par Napoléon III en 1860, en pleine réorganisation hausmannienne de la ville.
La découverte de nappes phréatiques ralenti la construction tout en augmentant les coûts. Après avoir fait pomper l'eau puis renforcer le terrain, Garnier crée une salle voûtée dans les fondations qui sera remplie d'eau avec pour effet de tirer le bâtiment vers le bas et le rééquilibrer, tout en garantissant une protection efficace contre les incendies.
Dans les sous-sols, nous allons de surprise en surprise, dont l'accès cadenassé au fameux lac (entièrement vidé et contrôlé puis rempli tous les 10 ans). La structure métallique de type Eiffel (la tour sera construite 13 ans plus tard), visible dans les sous-sols du bâtiment, permet de constater l'utilisation par Garnier de techniques modernes pour son temps.

 
L'Opéra Garnier est inauguré le 5 janvier 1875 par le général Mac Mahon, président de la République. Son commanditaire, Napoléon III, est mort en exil quelques années avant son achèvement.

La visite se clôt par l'accès à la salle spectacle alors en montage de décors. Garnier l'aurait voulue comme un écrin dont les femmes seraient les bijoux... 

En 1954, André Malraux alors ministre des Affaires Culturelles, commande à Chagall le plafond que nous pouvons admirer aujourd'hui, même s'il a fait scandale à sa pose et continue de diviser les amateurs de l'opéra Garnier. La précédente peinture, de Lenepveu, est  toujours en place sous l'œuvre de Chagall. Ce dernier la peint en 8 mois dans son atelier avec l'aide de ses élèves. Les panneaux seront ensuite cousus puis collés. Elle représente un hommage à 14 compositeurs d'opéras et de ballets. Refusant d'être payé, outre les dédommagements à son équipe, le peintre en fait cadeau à l'Etat français. 


Pour tout connaitre :